CE QU’IL FAUT RETENIR DU NOUVEL ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET DES VOIES D’EXECUTION

D’entrée de jeu, L’article premier de ce nouvel Acte Uniforme détermine ou précise les limites de son champs d’application.

Dans la foulée, l’article 1-1 indique ou précise la définition de certains termes, parmi lesquels figurent les termes tels que jour ouvrable, tiers-saisi, titre exécutoire par provision, valeur mobilière, etc.

Il faut noter que dans ce nouvel Acte Uniforme, le législateur communautaire fait une distinction entre la notion de notification et celle de signification.

Il définit la notification comme étant une opération consistant à porter à la connaissance d’une personne un acte ou un fait tandis que la signification est définie comme une notification réalisée par acte d’huissier de justice ou d’une autorité chargée de l’exécution.

L’article 1-3 et l’article 1-4 consacrent la faculté pour l’huissier ou l’agent d’exécution, muni d’un titre exécutoire, de saisir le président de la juridiction compétente pour que ce dernier lui autorise à demander aux Administrations de l’Etat et aux autres personnes morales de droit public ainsi qu’aux bureaux d’information sur le crédit, de lui communiquer les renseignements sur la composition du patrimoine du débiteur, son adresse, son identité, s’il y a lieu l’identité et l’adresse de son employeur sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.

L’article 1-5 consacre la nouvelle règle selon laquelle les actes dressés en vue de la conservation ou du recouvrement des créances peuvent être établis sur support papier ou sur support électronique.

L’alinéa suivant de cette disposition précise les conditions d’admissibilité des actes établis sous la forme électronique.

– Injonction de payer

Sur la procédure d’injonction de payer, il faut relever les innovations suivantes :

 L’article 1er et l’article 2 de l’ancien Acte uniforme ont été réunis en un seul article et constitue l’article 2 du nouvel Acte uniforme ;

 Le terme « décision portant injonction de payer » est remplacé par celui d’ordonnance portant injonction de payer (article 5 du nouvel Acte Uniforme).

Désormais, le président de la juridiction compétente ou le juge délégué par lui rend l’ordonnance portant injonction de payer dans le délai contraint de 3 jours de sa saisine (article 5 du nouvel acte).

Il y a aussi le délai d’opposition contre une ordonnance d’injonction de payer qui a été réduit à 10 jours en lieu et place de 15 jours comme auparavant (article 10 du nouvel Acte uniforme).

Aussi, le délai pour former appel contre une décision rendue sur opposition est fixé à 15 jours à compter du prononcé de la décision rendue sur opposition. Ce n’est plus 30 jours (article 15, alinéa 2)

La juridiction d’appel dispose d’un délai de deux mois pour statuer à compter de la première audience qui ne peut se tenir plus d’un mois à compter de la réception du dossier.

Ce nouvel Acte Uniforme consacre aussi la possibilité pour le créancier de saisir, par requête, le président de la juridiction compétente aux fins d’injonction d’apposition de la formule exécutoire en cas de refus du greffier d’apposer ladite formule exécutoire (article 17 alinéa 3)

L’article 28 dernier alinéa ou al. 5 dispose ce qui suit: lorsque la saisie porte sur un fonds de commerce, le débiteur peut, sauf s’il s’agit d’une créance nantie ou privilégiée, demander qu’il soit sursis à l’exécution et que celle-ci soit poursuivie en premier lieu sur les autres meubles, il en indique alors la consistance et la localisation. Lorsque le sursis est ordonné, la continuation des poursuites ne pourra avoir lieu qu’en cas d’insuffisance du produit de la saisie et sur l’autorisation du juge. Cette disposition consacre une hiérarchie dans la poursuite du recouvrement des créances. Comme la saisie immobilière, cette saisie du fonds de commerce a également un caractère secondaire.

L’article 28-2 précise que nul ne peut prendre une mesure conservatoire ou exercer une voie d’exécution pour le compte d’autrui s’il ne dispose d’un pouvoir délivré à cet effet.

Au regard de l’article 30, il faut retenir que l’entreprise publique a été enlevée de la liste des personnes bénéficiant de l’immunité d’exécutions. Aussi, le même Acte Uniforme accorde aux personnes morales de droit public, bénéficiaires de cette immunité, la possibilité d’y renoncer expressément.

Il faut noter aussi que les entreprises publiques peuvent demander la mainlevée au juge lorsque l’exécution forcée et les mesures conservatoires entreprises à leur encontre portent gravement atteinte à la continuité du service public et le juge saisi d’une telle demande y aura égard, mais à la condition que ladite entreprise accomplisse des actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette (art.30-2).

Désormais les biens et les droits insaisissables sont précisés(art.51).

L’article 38 al. 2 dispose que les dommages et intérêts auxquels le tiers-saisi peut-être condamné en cas de manquement à son obligation d’apporter son secours pour le recouvrement ou la conservation d’une créance ne doivent plus dépasser le montant global des causes de la saisie.
Si plusieurs tiers sont condamnés au paiement des causes de la saisie, le montant cumulé des condamnations ne peut être supérieur aux causes de la saisie.

Le législateur communautaire a institué expressément à l’article 32 alinéa 2 du nouvel Acte Uniforme les défenses à exécution provisoire ou le sursis à exécution. En effet, la juridiction saisie en appel en matière d’exécution forcée a la faculté d’ordonner des défenses à exécution provisoire.

Au titre des innovations, il y a l’instauration de la saisie du bétail, laquelle est organisée par les articles 73 à 76 ainsi que 152 du nouvel Acte Uniforme. La raison d’être de cette nouvelle saisie est que dans certaines régions d’Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest, le patrimoine ou la fortune des certains individus est composée essentiellement du bétail ou des bétails.
Dans le registre des innovations, il y a aussi la saisie des biens placés dans un coffre-fort appartenant à un tiers (la procédure relative à cette saisie est organisée par les dispositions des articles 152-16 à 152-26 du nouvel Acte Uniforme)

– Pour ce qui est de la saisie la plus pratiquée, la saisie-attribution des créances, voici les innovations consacrées par le Nouvel Acte Uniforme en cette matière.

1. Les sociétés émettrices de monnaie électronique peuvent désormais revêtir de la qualité de tiers-saisi, car la monnaie électronique placée ou déposée dans un compte ouvert dans les livres desdites sociétés est désormais incluse dans l’assiette de la saisie attribution de créance.
2. En cas de pluralité de tiers-saisis, le cumul de la créance saisie ne doit pas dépasser le montant de la créance poursuivie. L’huissier de justice ou l’agent d’exécution procède d’office à la rétractation d’une ou plusieurs saisies lorsqu’il constate que le montant des créances saisies dépasse notablement celui de la créance cause de la saisie. Cette rétractation vaut mainlevée de la saisie qui a été pratiquée.
Cette disposition vise à protéger les tiers-saisis contre les saisies abusives.
3. Désormais, le tiers-saisi dispose de deux jours pour communiquer et transmettre sa déclaration à huissier de justice ou à l’agent d’exécution en cas de signification de la saisie faite à personne.

N.B: L’article172(reste inchangé) dispose que, lorsqu’une juridiction tranche une contestation portant sur une saisie attribution de créance et qu’elle assortit sa décision de la clause d’exécution provisoire, elle doit, dans ce cas, motiver sa décision d’ordonner l’exécution provisoire nonobstant tout appel.

Au rang des nouveautés, Il y a également le fonds de commerce qui peut désormais faire l’objet de la saisie.

De l’article 245-1 à l’article 245-34 le nouvel Acte Uniforme organise la procédure de la saisie du fonds de commerce.

Les éléments faisant l’objet de cette saisie sont ceux prévus aux articles 136 et 137 de l’Acte Uniforme portant sur le Droit commercial général: il s’agit notamment de la clientèle et l’enseigne ou la clientèle et le nom commercial, les installations, le matériel, le droit au bail, les licences d’exploitation, etc.

Il faut noter que cette saisie ne paralyse pas le fonctionnement du fonds de commerce dont le débiteur ou le locataire gérant poursuit en principe l’exploitation.

Aussi, dans son déroulement, la procédure de la saisie du fonds de commerce comprend les mêmes phases que la procédure de la saisie immobilière à savoir : le commandement de payer, la préparation de la vente et la vente.

Les incidents et contentieux qui surviennent au cours de cette voie d’exécution relèvent de la compétence du Tribunal de commerce.

Pour ce qui est de la saisie immobilière, il faut noter que le Nouvel Acte Uniforme admet désormais la possibilité que la publicité en vue de la vente se fasse par voie audiovisuelle ou électronique.
Le délai d’appel en cette matière est maintenant réduit à 15 jours et l’acte d’appel est notifié à toutes les parties en cause à leur domicile réel ou élu.

L’appel en matière de saisie immobilière peut être fait par voie d’assignation ou par voie de requête qui doit contenir, à peine de nullité, l’exposé des moyens de l’appelant (article 301 alinéa 3).
Aussi, la juridiction d’appel doit statuer dans le délai d’un mois à compter de la première audience (article 301 alinéa 4).

Le titre 10 qui clôt cet Acte Uniforme révisé prévoit un ensemble d’incriminations qui peuvent être mises à la charge de l’huissier, du tiers détenteur ou gardien, du débiteur et de l’autorité habilitée à procéder à la vente aux enchères publiques et ce lors des procédures de voies d’exécution.

Il appartient cependant aux législations nationales de déterminer les peines applications à ces incriminations spécifiques prévues par l’Acte Uniforme susvisé.

Dans cette même perspective, il convient de signaler, à titre d’information, que l’article 175 de la loi bancaire, entrée en vigueur en 2023, dispose qu’est passible d’une peine de servitude pénale de six mois et d’une amende allant de 1 000. 000. 000 de francs congolais à 2 000. 000. 000 de Francs congolais ou de l’une de ces peines seulement, tout Huissier de justice ou agent d’exécution qui procède à une mesure d’exécution forcée sur les biens insaisissables au sens des dispositions légales applicables en la matière.

En conclusion, les juristes, chercheurs ou praticiens, intéressés par le droit du recouvrement des créances et de l’exécution forcée, issu de l’Ohada, attendent impatiemment l’interprétation que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage va donner de ces nouvelles dispositions consacrées à travers cet Acte Uniforme révisé.

Bernard TWAIBU KEONE